La RÉPRESSION APRÈS LE SIÈGE DE LYON 10/1793 – 04/1794
Le 9 octobre 1793 le Siège de Lyon est terminé; le gros de ses défenseurs menés par Précy a tenté une sortie désespérée, qui s’est terminée tragiquement pour la plupart des participants. L’armée conventionnelle entre dans la ville. Les représentants de la Convention sont dirigés par Couthon. Les membres de l’ancienne municipalité (maire Bertrand) sont libérés et retrouvent leurs postes. Les premières arrestations ont lieu. Dès le 11 il est créé une Commission de justice populaire et une Commission militaire pour les combattants, ainsi que des comités de surveillance.
LES REPRÉSAILLES, PREMIÈRE PHASE
À Paris le 12 octobre, la Convention publie un décret vengeur resté célèbre : « Lyon fit la guerre à la liberté , Lyon n’est plus« . La ville doit être détruite et ce qu’il en restera sera dénommé « Ville Affranchie« .
Le Comité de Salut Public envoie une lettre signée de Robespierre demandant aux représentant sur place de : « démasquer les traîtres et de les frapper sans pitié… de faire exécuter avec une sévérité inexorable les décrets salutaires » de la Convention. Le général Kellermann qui vient de repousser les Piémontais est arrêté le 18 et emprisonné à Paris. À partir du 17 les premières condamnations à mort sont prononcées : Bemani administrateur est le premier guillotiné place Bellecour. Jusqu’au 28 novembre la commission militaire juge 176 personnes ayant tenu un rôle militaire pendant le siège avec 106 condamnations à mort par fusillade. Le tribunal de justice populaire présidé par Dorfeuille s’installe à partir du 30/10 près de la prison de Roanne (à St-Jean).
Les démolitions ordonnées par la Convention sont symboliques. Couthon et les autres représentants donnent le premier coup de marteau le 26/10. Sont concernées les façades est et ouest de la ci-devant place Bellecour, appelée place de la Fédération, ainsi que le château Pierre-Scize « l’effroi du genre humain » . À la fin d’octobre la Convention rappelle Couthon jugé trop modéré à Paris.
Les représentants de la Convention Collot d’Herbois et Fouché sont envoyés à Lyon pour accélérer la répression sur les personnes ; ils sont sur place début novembre . Le commandant militaire est le général Declaye ; il est éclipsé par une force armée révolutionnaire composée de volontaires parisiens commandée par le général Ronsin envoyée pour tenir la ville. Le maire active la recherche et l’arrestation des suspects. Le 12 brumaire an II (2 novembre) Dutroncy, officier municipal de Montbrison passe le premier sur la guillotine déplacée place des Terreaux. Dès lors la guillotine va fonctionner tous les jours : le 9 novembre 10 condamnés sont exécutés dont l’ex-maire Coindre.
Collot d’Herbois et Fouché mettent en place le 10/11 une « Commission temporaire de surveillance républicaine » de 20 membres, qui doit « former un supplément révolutionnaire à toutes les autorités constituées » et maintenir leur zèle révolutionnaire ; elle doit veiller aux arrestations et établir une taxe révolutionnaire sur les riches. La commission temporaire est dotée d’un uniforme ; elle fait arrêter tous les hommes de loi, les prêtres et les nobles. La délation est fortement encouragée.
Une instruction parue le 20/11 au nom de l’idéal révolutionnaire condamne toutes les élites, prévoit la redistribution des richesses et abolit toute religion. C’est le premier écrit nettement communiste bien avant Karl Marx… Pendant le mois de novembre les exécutions continuent. Le juge de paix Ampère, père du futur physicien, est exécuté le 2 frimaire (22/11) ; 11 exécutions le 6 frimaire. Plus de 300 têtes sont tombées dans cette première phase.
Les MITRAILLADES
La commission de Justice Populaire prononce sa dernière condamnation le 9 frimaire et cède la place au Tribunal des Sept présidé par le général révolutionnaire Parein, tribunal créé pour accentuer la répression et pratiquer une justice encore plus expéditive. Le rythme s’accélère : le 14 frimaire (4 décembre) 60 condamnations à mort, le 15, 208 condamnations et 37 acquittements. La guillotine n’est pas assez rapide ; les exécutions vont se faire par mitraillade dans la plaine des Brotteaux. Les 60 condamnés du 14 sont mitraillés à courte distance par 3 canons ; le lendemain (5/12) ce sont les 208 condamnés du 15 qui sont amenés attachés deux par deux et canonnés sur le chemin de la Part-Dieu : c’est une horrible boucherie. Des soldats sont chargés d’achever les blessés. Dans une lettre Collot d’Herbois se réjouit de cette efficacité…
Pendant ce mois de frimaire le tribunal continue à un rythme soutenu : 44, 14, 39, 13, 50 condamnations à mort selon les jours. 67 condamnés le 1er nivôse (21/12) , 23 le 2… Les personnes arrêtées sont détenues dans les prisons de Roanne ou St-Joseph, transférées ensuite dans les salons de l’hôtel de ville, pour passer devant le tribunal dans le salon du Consulat. Les condamnés sont enfermés dans les caves, exécutés sur la guillotine place des Terreaux ou fusillés aux Brotteaux. À la mi-décembre Collot d’Herbois quitte Lyon pour défendre leur action devant la Convention. Fouché reste le principal responsable ; il habite en famille l’hôtel Tolozan réquisitionné.
JANVIER-FÉVRIER 1794
Le mois suivant condamnations et exécutions sur la guillotine se poursuivent sans relâche. L’évêque de Lyon, Lamourette, qui avait été conduit à Paris y est guillotiné, bien que constitutionnel. À Lyon le 5 pluviôse (24/01/1794) meurt l’architecte Jean-Antoine Morand, constructeur du pont. Les condamnations frappent beaucoup de personnes de condition modeste et des prêtres, car la politique antireligieuse est à son maximum ; le 22 pluviôse ce sont 12 femmes et un prêtre.
Le 23 pluviôse le cruel représentant dans la Loire Javogues est rappelé à Paris et le tribunal de Feurs dissous : 49 condamnations à mort y ont été prononcées. Puis c’est Albitte représentant en Savoie et dans l’Ain qui envoie à Lyon 18 citoyens de Bourg en Bresse ; ils sont aussitôt jugés et condamnés sauf trois. La Convention intime alors l’ordre au tribunal de ne s’occuper que Lyon : le tribunal suspend son action quelques jours pour faire appel, mais le 5 ventôse Fouché ordonne la reprise des jugements. Le sculpteur Chinard est relâché.
Le 20 ventôse (10/03) les sans-culottes lyonnais célèbrent la fête de l’Égalité : un cortège rejoint une montagne symbolique élevée aux Brotteaux et les discours glorifient l’abolition de l’esclavage.
La PHASE FINALE mars- avril 1794
Après le 9 thermidor qui voit la chute de Robespierre et la fin de la Terreur, les représentants Reverchon et Laporte sont remplacés par Charlier et Pocholle. Le maire Bertrand est destitué ; il sera arrêté avec d’autres officiers municipaux accusés d’abus et de tyrannie… Ils sont envoyés à Paris. Il faudra attendre le 16 vendémiaire an III (2/10/1794) pour que Commune-Affranchie retrouve son nom de Lyon…
Le BILAN DE LA RÉPRESSION
Au total d’octobre 1793 à avril 1794 1876 lyonnais de toutes conditions sont condamnés à mort et exécutés.
Les victimes ont entre 16 et 80 ans ; l’âge moyen est de 42 ans. Sur l’ensemble 10% sont des nobles, 7% sont membres du clergé, 2 % sont des femmes. Les militaires comptent 97 condamnés, les gendarmes 25, les hommes politiques (conseillers municipaux) sont 29, les hommes de loi 104, les petits fonctionnaires 40, les enseignants 25, les métiers de l’alimentation 170, les artisans du textile 316 dont 57 canuts, les artisans 155, les professions de santé 32, les domestiques, commis, affaneurs 40, artistes et musiciens 13…
LA MÉMOIRE DU SIÈGE
Sous la Restauration, un monument commémoratif du Siège en forme de pyramide recueille les ossements des victimes des Brotteaux ; il accueille les restes de Précy en 1821. Ce monument situé rue Vendôme sera démoli en 1906 pour créer la rue de Créqui et l’ossuaire transféré dans la crypte d’une chapelle de style roman-byzantin construite en 1901 (architecte Pascalon) tout près rue de Créqui. La photo ci-dessous a été prise pendant les quelques années de coexistence des deux monuments.
Cette chapelle consacrée à la Sainte-Croix en 1906 garde le souvenir des victimes du Siège de Lyon, dont les noms sont affichés avec leur âge et leur profession. Propriété d’une association, elle est desservie aujourd’hui par la « Famille Missionnaire de Notre-Dame ».
Article de 2018
Sources : Edouard Herriot – Lyon n’est plus -3 la répression – Hachette 1939 / Guy Bérat – Lyon fit la guerre à la liberté – Généalogie & histoire n°127 / B.Benoit, R.Saussac – Lyon, la Révolution, le Consulat et l’Empire – ELAH 2017