HISTOIRE d’une PRINCIPAUTÉ OUBLIÉE : La DOMBES
La Dombes est aujourd’hui une zone géographique au nord de l’agglomération lyonnaise, appartenant au département de l’Ain, comprenant un plateau parsemé de nombreux étangs, limité à l’ouest par la Saône de Thoissey à Trévoux. Ce petit coin de France a connu une histoire particulière très riche.
En 1032 le royaume de Bourgogne est légué à l’Empire (germanique). La Dombes à l’est de la Saône devient donc une « terre d’Empire ». Vers 1200 la zone est partagée entre les sires de Bagé et les sires de Villars; les sires de Beaujeu y possédaient également quelques terres. Trévoux est en la possession des sires de Villars qui y édifient le château avec sa tour octogone.
Les SIRES de BEAUJEU
En 1218 le sire de Bagé donne sa fille Marguerite en mariage à Humbert V de Beaujeu avec en dot la seigneurie de Miribel et des terres en Dombes. Ainsi était créée une annexe de la seigneurie de Beaujeu qu’on appellera le « Beaujolais d’Empire ». Dans la succession d’épisodes de guerre entre la Savoie et le Dauphiné (guerre de Septante ans 1282-1355), le sire de Beaujeu est l’allié du comte de Savoie, ce qui vaut à Guichard VI de Beaujeu d’être fait prisonnier devant Varey (en Bugey 1324) et de devoir verser au dauphin une lourde rançon, dont le château de Miribel. Dans les années 1370 des querelles territoriales provoquent des affrontements avec le comte de Savoie, qui avait hérité des terres des terres bressanes des sires de Bagé. Le comte de Savoie reconnait au sire de Beaujeu la possession de Thoissey, Lent, Montmerle, Ars, Belvey. En 1400 Edouard II de Beaujeu sans héritier lègue sa principauté au duc de Bourbon.
Les DUCS de BOURBON
Louis II duc de Bourbon (+1410) devenu sire de Beaujeu, va très vite acheter à Humbert VII de Thoire-Villars, sans héritier, pour 30000 livres les places de Trévoux, Ambérieux, le Châtelard et Monthieux (1402), constituant ainsi le territoire de la future principauté de Dombes, non sans contestations de la part du duc de Savoie. Ces litiges et chicaneries continueront pendant tout le XV° Siècle. À Louis II succèdent Jean Ier, Charles Ier, Jean II (+1488), Charles II (+1488), Pierre II (+1503).
Ce dernier a épousé Anne fille du roi Louis XI, alors qu’il était sire de Beaujeu. Celle-ci devenue régente du royaume est connue sous le nom d’Anne de Beaujeu. À la mort de Pierre II, Anne marie sa fille unique Suzanne au cousin Bourbon le plus proche Charles de Montpensier qui devient le duc Charles III. En 1513 la Dombes doit être protégée contre des bandes de pillards.
Le duc, grand homme de guerre, est fait connétable de France par François Ier et gouverneur du Milanais après Marignan. C’est le plus puissant féodal de France, dont l’importance gène le roi et sa mère, qui lui cherchent querelle après la mort de Suzanne (1521) sans enfant. Le connétable de Bourbon poussé à la faute va offrir son épée à Charles-Quint en 1523. C’est la trahison ; le roi confisque aussitôt toutes les possessions du Duc, dont la Dombes.
L’INTERMÈDE ROYAL
François Ier renouvelle tous les privilèges locaux et crée dès 1523 le Parlement de Dombes, cour de justice souveraine. Ce parlement s’installe à Lyon, faute de logis convenable à Trévoux. En 1538 le Roi restitue une toute petite partie des terres du connétable de Bourbon, le duché de Montpensier et le dauphiné d’Auvergne à un Bourbon d’une branche cadette, Louis de Vendôme.
En 1543 la Dombes, comme terre d’Empire, est séparée administrativement du Beaujolais et la formule « Beaujolais à la part de l’Empire » est remplacée par celle de « Souveraineté de Dombes« . Le duc Louis de Montpensier ne cesse alors de la revendiquer. La souveraineté de Dombes lui est enfin attribuée en 1560 par le Roi François II.
Les BOURBON-MONTPENSIER
Le nouveau souverain confirme les privilèges et exemptions dont bénéficient les habitants et rétablit l’atelier monétaire de Trévoux. Début 1563 les protestants maîtres de Lyon envoient un fort contingent de soldats piller les vivres en Dombes, seul le château de Trévoux résiste. Louis (+1582) prépare l’ordonnance de Dombes publiée par son successeur François (+ 1592). Ce texte reprend et confirme tous les privilèges et franchises de Trévoux et de la souveraineté de Dombes. La Dombes est exemptée de tailles, mais paye un « don gratuit » tous les 7 ans au souverain.
Henri (1592-1608) successeur de François de Montpensier soutient Henri IV. La Dombes subit les séquelles des guerres de Religion. Thoissey est occupé par les Ligueurs : il faut 10 mois de siège à Alphonse d’Ornano pour en venir à bout (1594-95). En 1594 les hommes de Treffort gouverneur de Bourg pour le duc de Savoie ravagent la Dombes : Lent et le Chatelard sont incendiés, les habitants qui restent sont massacrés. En représailles Henri IV envoie Montmorency puis Biron ravager la Bresse : Bagé, Varax, les châteaux de Châtillon et de Richemont sont détruits, les remparts de Villars sont détruits (1595). La paix permet le retour d’Henri de Montpensier.
Henri mort en 1608 laisse une fille de 3 ans Marie de Montpensier. Elle épouse en 1626 Gaston duc d’Orléans frère de Louis XIII et meurt l’année suivante après avoir donné naissance à Anne-Marie-Louise d’Orléans, qui devient princesse de Dombes dès sa naissance. Son père Gaston assure l’intérim et frappe des monnaies à son nom.
Anne-Marie-Louise dite la Grande Mademoiselle, duchesse de Montpensier, joue une rôle actif pendant la Fronde contre Louis XIV son cousin. Elle ne passera que 3 jours à Trévoux en 1658 ; elle créera le collège de Thoissey et l’hôpital de Trévoux. L’hôpital Montpensier au bord de la Saône inclut une grosse tour ronde du rempart médiéval. La Grande Mademoiselle garde la principauté jusqu’à sa mort en 1693, mais dès 1681, sans héritier, elle en a fait donation au duc du Maine.
Le DUC DU MAINE et ses SUCCESSEURS
Louis Auguste duc du Maine (+1736) est le fils légitimé de Louis XIV et de madame de Montespan. Sa souveraineté est une période faste. Il va favoriser l’installation à Trévoux d’un éditeur-imprimeur : Les éditions de Trévoux vont prendre très vite une grande importance. Les jésuites vont y faire paraître en 1701 le Journal de Trévoux. Le duc du Maine va obliger les officiers de son Parlement à siéger à Trévoux. Pour cela il va faire construire le palais du Parlement à partir de 1702 (actuel palais de justice). Il fonde un hôpital à Thoissey.
Son fils Louis-Auguste II (+1755) va être moins apprécié. Il supprime les états de Dombes en 1739 et impose la taille. Son frère Louis-Charles lui succède, mais il se désintéresse de sa principauté et la cède à Louis XV en 1762 contre quelques titres. La Dombes est alors réunie au domaine royal.
En 1771 le parlement de Trévoux est supprimé et la Dombes est ensuite réunie à la Bresse en 1781.
Bresse, Dombes, Bugey et pays de Gex formeront en 1791 le département de l’Ain.
Article de 2017 – Dernière modification 07/2022
Source : Antoine Nouvellet – Histoire de la Souveraineté de Dombes -éditions de Trévoux 1982 / Georges Guette – la tour octogone, le connétable traitre ou héros ? – Planète 1970 / Yves Vercellis – La principauté de Dombes sous la première annexion française – Revue Dombes n°44 -2022