La RÉVOLTE des CANUTS de LYON en 1834
Depuis la révolte de 1831, les conditions de vie des ouvriers de la « Fabrique » lyonnaise n’ont pas changé, mais beaucoup rêvent d’une vie meilleure et le « mutuellisme » se développe. En février 1834 suite à un litige, les mutuellistes votent la grève et le 14 février 25000 métiers arrêtent de battre : la grève dure 8 jours. En mars le député-maire de Lyon Prunelle vote à l’Assemblée l’interdiction des associations revendicatives ouvrières.
Le déclenchement du mouvement
Des ouvriers accusés de « coalition » et d’avoir déclenché la grève de février doivent être jugés le 5 avril. Place St-Jean, au palais de justice, l’audience est houleuse et doit être reportée au 9 avril. Un détachement du 7° léger fraternise avec la foule.
Le commandant militaire à Lyon est depuis octobre 1832 le lieutenant-général Aymard ; à l’inverse de 1831, il dispose de beaucoup de troupes. ce sont les 6°, 21°, 27° et 28° régiments de ligne, le 7° léger, le 7°dragons et le 13° d’artillerie, qu’il place selon 3 lignes est-ouest :
1 au niveau de Bellecour,
2 du pont la Feuillée aux Brotteaux
3 de Vaise à St-Clair par les remparts de la Croix-Rousse ; de plus les ponts sont fermement tenus. Ce dispositif est en place au matin du 9 avril.
L’audience reprend place St-Jean occupée par une foule nombreuse. Dans un mouvement de foule un agent de police est tué d’un coup de feu ; les chasseurs du 7° léger tirent sur la foule. Des barricades s’élèvent dans les rues adjacentes.
La rébellion s’installe
L’insurrection se propage dans la ville comme une traînée de poudre. Les manifestants manquent de peu la prise de la préfecture place des Jacobins. La troupe dégage le passage de l’Argue au canon à mitraille et fait sauter une maison place de l’Hôpital. L’émeute s’étend aux autres quartiers, en particulier à la Croix-Rousse et aux pentes. La troupe de la caserne des Bernardines affronte les révoltés du plateau, tandis que dans les pentes les émeutiers enlèvent la caserne du Bon Pasteur.
Le 10 avril les insurgés tiennent plusieurs secteurs séparés par les forces armées : la rive droite de la Saône, le centre-ville avec la place des Cordeliers, les pentes de la Croix-Rousse et le faubourg de la Croix-Rousse. L’insurrection s’étend à St-Just où elle s’empare du télégraphe et surtout à la Guillotière, qui se hérisse de barricades. Les rues y sont déblayées au canon, ce qui provoque un incendie qui détruit plusieurs maisons anciennes. le général Aymard fait brûler le pont de bois de la quarantaine sur la Saône pour empêcher les émeutiers de St-Georges de passer sur l’autre rive vers l’arsenal. Les combats sont acharnés près de la place Sathonay d’où un détachement du 28° de ligne est délogé et son colonel tué.
Le 11 avril les émeutiers s’emparent du fort St-Irénée avec 2 canons ; les canons de la place Bellecour ripostent. Les insurgés échouent dans une tentative sur l’hôtel de ville. Le préfet Gasparin appelle au cessez-le-feu sans résultat. À la Croix-Rousse l’insurrection s’affiche ouvertement républicaine.
La répression
Le 12 avril Le préfet et le général passent à l’offensive. Attaquée par 3 colonnes, la Guillotière est investie ; le quartier en sort sinistré. C’est ensuite le tour de Vaise bombardée par les canons du fort St-Jean, puis encerclé et investie par la troupe qui ne fait pas de quartier : 16 personnes sont massacrées dans une maison. Vers 5 heures du soir c’est une attaque convergente sur le quartier des Cordeliers : une douzaine d’ouvriers sont massacrés dans l’église St-Bonaventure. C’est enfin le vieux Lyon bombardé depuis la terrasse des Chartreux.
Le 13 avril un mouvement de troupe convergent reprend les quartiers de St-Just et Fourvière, mais les tentatives sur la Croix-Rousse sont repoussées.
Au matin du 14 avril toute résistance a cessé sur la rive droite de la Saône. La Croix-Rousse est à nouveau attaquée et résiste pied à pied. Les insurgés comprennent dans la soirée qu’il est inutile de poursuivre la lutte et le maire de la Croix-Rousse Puyroche demande le cessez-le-feu au général Rohault de Fleury qui commande le secteur.
Le 15 avril la troupe investit tout le quartier sans résistance et démolit les barricades.
Le bilan de la révolte
La révolte de 1834 est nettement plus politisée que celle de 1831. Un millier d’ouvriers ont tenu tête à une garnison 10 fois plus nombreuse. Les insurgés ont manqué d’armes, ils n’ont pas eu de commandement unique et les zones tenues étaient isolées les unes des autres par un cordon de troupes. La partie était donc jouée d’avance. Les pertes humaines sont évaluées à 129 militaires tués et 194 blessés ; 192 tués parmi les civils.
Epilogue
Plus de 500 arrestations ont eu lieu ; en mars 1835, 52 lyonnais sont transférés à Paris et détenus à la Conciergerie. En mai 1835 s’ouvre un « procès monstre » qui aboutit à à de sévères condamnations. Les condamnés seront amnistiés en mai 1837 à l’occasion du mariage du duc d’Orléans.
Un tableau sur soie acquis par le musée représente la visite faite en 1841 d’un atelier de canut par le duc d’Aumale, cinquième fils de Louis-Philippe, en compagnie d’Hippolyte Jaÿr préfet du Rhône, du général Aymard dont c’est la dernière année à Lyon et de Joseph Cabias maire de la Croix-Rousse.
Article de 2014 – Dernière modification 02/2022
Source : Fernand Rude – Les révoltes des canuts 1831-1834 – Maspéro 1982