Le 159° RIA de Briançon

Le 159° RÉGIMENT D’INFANTERIE ALPINE (RIA) de BRIANÇON

En 1887 l’Armée Française compte 144 régiments d’Infanterie (RI) : une loi de juillet 1887 crée 18 régiments d’Infanterie supplémentaires, numérotés de 145 à 162, formés de bataillons prélevés sur 54 autres régiments, soit 18 nouveaux régiments à 3 bataillons. Le recrutement de ces unités devait se faire sur leur région d’implantation, d’où leur nom de « régiments régionaux« .

1896 un soldat du 159

Le RÉGIMENT de BRIANÇON
Ainsi le 159° RI est créé en octobre 1887 dans la région de Nice, composé de 3 bataillons issus des 40°, 55° et 111°RI ; le colonel Caze en est le premier chef de corps. Le drapeau du régiment lui est remis en février 1888.

Dès juillet 1890, il permute avec le 161° RI et vient s’installer à Briançon dans les casernes Ste-Catherine construites en 1882/1885 dans la plaine en contrebas de la citadelle Vauban, de part et d’autre d’une avenue (général Barbot). Les 2 demi-casernes ont porté les noms de quartier Berwick côté est et quartier Colaud en face.

Le site de Briançon avec les casernes Ste-Catherine au premier plan

Le régiment est renforcé en 1891 avec un 4ème bataillon. L’année suivante un bataillon est délocalisé à Château-Queyras et Mont-Dauphin. Mais le « 15-9 » va devenir par excellence le régiment de Briançon, y stationnant toute l’année et devant s’adapter aux conditions hivernales. L’infanterie alpine garde la tenue d’infanterie avec le pantalon rouge, mais adopte le grand béret et les bandes molletières. Le régiment participe aux travaux des routes stratégiques des Alpes (Isoard, Vars…). Pendant une dizaine d’années les marches dans la neige se font sur des raquettes, qui vont ensuite être remplacées par des skis.

Le capitaine Clerc et les pionniers du ski

Instruction des Skieurs

L’atelier de fabrication des skis en 1906

C’est à Briançon que va apparaître et se développer le ski militaire. En 1900 par l’initiative personnelle du capitaine Clerc sont formés les premiers skieurs militaires. Dès 1904 il est créé une École de Ski à Briançon, où les unités alpines enverront des élèves. D’où le surnom du « Régiment de la Neige ». Cette école fonctionnera jusqu’à la Grande Guerre commandée depuis 1910 par le capitaine Lardant.

L’état-major du 159 autour du colonel Fort en 1906

Août 1914 : à la mobilisation le 159 donne naissance à un régiment de réserve le 359° RI qui rejoindra les Vosges en septembre.

buste du général Barbot

La GRANDE GUERRE
Le 159 commandé par le colonel Barbot part immédiatement se battre sur la crête des Vosges. Fin septembre il est envoyé défendre Arras : les allemands ne peuvent prendre la ville. C’est ensuite le statu-quo dans les tranchées boueuses au nord d’Arras. Le 9 mai 1915 c’est l’offensive en Artois : le 159 perce les lignes ennemies pour une couteuse victoire sans lendemain, dans laquelle Barbot devenu général de division est tué. Les combats continuent les mois suivants au cours des batailles d’Artois : première citation pour sa conduite héroïque .


En mars 1916 le régiment est transféré à Verdun, où il tient une position pendant 2 semaines. Il est à nouveau en première ligne en septembre-octobre 1916 pour la bataille de la Somme. En 1917 ce sont les combats du Chemin des Dames qui le mettent à rude épreuve. En 1918 le 159 fait partie des unités qui doivent contenir les ultimes offensives allemandes en mars en Picardie (citation) et en juillet sur la Marne. Enfin en octobre il refoule les allemands sur la Lys (citation) et pénètre en Belgique.Retour ligne manuel
Après l’armistice le 159 traverse la Belgique et passe en Allemagne (Aix-la-Chapelle) pour une année d’occupation.

Le RETOUR À BRIANÇON – L’ENTRE-DEUX-GUERRES
C’est un régiment bien diminué qui rentre à Briançon en décembre 1919. Il doit se réapproprier la montagne et former de nouveaux montagnards. Fin 1920 le général Marjoulet gouverneur militaire de Lyon crée le Brevet de Skieur et Lardant devenu colonel, retrouve le 159 comme chef de corps du régiment et du Centre d’Études de la Montagne créé à Briançon, pour une durée exceptionnelle de 7 ans (1920-28). Les premiers brevets d’Éclaireur-Skieur sont délivrés en 1922, année où le 159 envoie un important effectif dans la Ruhr (1922-24).
En 1924 le 159 est inclus dans la 27° division d’Infanterie Alpine de Grenoble et délocalise un bataillon à Embrun. En 1925 pendant 3 mois Lardant commande un régiment de marche formé de 2 bataillons du 159 et d’un bataillon de Montluçon envoyé en renfort au Maroc pour la guerre du Rif. En 1928-30 le chef de corps est le colonel Touchon, alpin de légende et héroïque combattant de 14/18, futur gouverneur militaire de Lyon. À l’instigation du général Dosse commandant la 27° DIA sont créées en 1932 les sections d’Éclaireurs-Skieurs (SES) dans chaque unité alpine.

1939 exercice en montagne

La CAMPAGNE 1939-1940 et l’ARMÉE D’ARMISTICE
À la déclaration de guerre de septembre 1939, le régiment demeure 3 mois aux avant-postes des Alpes. En décembre il est envoyé dans le secteur de Bitche en Moselle. Le 10 mai 1940 lors de l’attaque allemande, en réserve à Ferrette (68) le 159 est déplacé en hâte sur l’Aisne. Il doit se replier sur l’Ourcq, où vers le 9 juin il tente de contenir l’assaut allemand. 750 hommes manquent à l’appel, dont le colonel Gruyer fait prisonnier. Le reste du régiment soutient encore une dure bataille à Artonges le 12 juin. Les débris du 159 se replient ensuite jusque dans la Creuse. Il ne reste que 477 hommes sur 3430.


Entre temps les 3 SES du 159 restées pour la défense de Briançon sont très efficaces pour arrêter l’offensive italienne et renseigner l’artillerie (destruction du fort du Chaberton).
Après l’Armistice Briançon est occupée par l’armée italienne, le 159°RIA est dissous en aout 1940, puis reformé dans le cadre de la 14° division de l’armée d’Armistice et localisé à Grenoble (2 bataillons) et Gap (un bataillon). Les allemands occupent la zone sud en novembre 1942 et le 28 le 159 est dissous : beaucoup d’hommes rejoindront la Résistance.

Le 159° RIA à Grenoble

La RENAISSANCE EN 1944
Après la Libération de la région le colonel Descour, gouverneur militaire de Lyon, travaille à la reconstitution d’une division alpine à partir des bataillons FFI. En décembre le 159° RIA va être reformé à 3 bataillons avec les bataillons FFI du Jura, de l’Ardèche et de la Drôme. Dès janvier 1945 il est envoyé sur le front d’Alsace. Rappelé dans les Alpes fin mars, il participe à l’assaut sur la frontière italienne, les 2 premiers bataillons en Maurienne et le « 3 » en Ubaye (Campagne de Alpes 1945).

L’APRÈS-GUERRE
Après la capitulation, le 159 passe deux mois côté italien à Suse, puis il est envoyé un an en force d’occupation en Autriche au Tirol et à Vienne. L’année suivante c’est l’Allemagne : Berlin et la Forêt Noire. Septembre 1947 c’est le retour en France sur la côte d’Azur pour une période instable de changements d’appellation et de format. Ce n’est qu’en juillet 1951 que le 159° réduit à un bataillon est reconstitué à Briançon. Il retrouve ainsi sa vocation montagnarde.

les casernes Sainte-Catherine

La GUERRE D’ALGÉRIE
En septembre 1955 la 27° DIA embarque pour l’Algérie, dont le 159° BIA, ne laissant à Briançon que le centre d’instruction. Pendant plus de 5 ans il va stationner dans différentes localités de Grande Kabylie au sud de Tizi-Ouzou menant de multiples combats contre les forces rebelles. 80 hommes du bataillon sont tombés dans cette guerre. Après l’indépendance en 1962 le bataillon fait partie de la « Force locale de l’ordre » algérien. Le retour à Briançon a lieu en juin 1964.

Insigne du 159

1964-1994
Le 159° RIA est recréé le 1er juillet 1964 comme régiment des forces du territoire. L’entraînement alpin est repris ; des ascensions et des raids en haute montagne sont organisés, parfois transfrontaliers.
En 1981 le quartier Berwick doit être rénové, la compagnie d’éclairage et d’appui (CEA) vient loger à Embrun (caserne Delaroche).


Trente ans après le retour d’Algérie, comme tant d’autres le « Régiment de la Neige  » va être dissous en juillet 1994.

Le CNAM
Le 159°RIA est remplacé à Briançon par le Centre National d’Aguerrissement en Montagne (CNAM), qui conserve le drapeau et les traditions du 159. Le CNAM formera des stagiaires au combat en montagne pendant 15 ans jusqu’à sa propre dissolution en 2009.

Insigne du CNAM

Il n’y a alors plus d’implantation militaire à Briançon. L’ensemble de la caserne Ste-Catherine fait actuellement l’objet d’une rénovation urbaine et immobilière.

Sources : documents Bibliothèque Militaire de Lyon /

Article de 2019