Le CHÂTEAU PIERRE-SCIZE à LYON
Ce château, démoli en 1793, s’élevait sur un éperon rocheux dominant la rive droite de la Saône. Agrippa gouverneur de la Gaule aurait fait tailler les contreforts du rocher qui gênaient la circulation terrestre, d’où le nom de Pierre-Encise ou Pierre-Scize.
Ce site à l’entrée de la ville a un intérêt stratégique évident et dès la première moitié du XI° siècle un donjon y aurait été construit selon F.Cuaz. Une construction existe de manière certaine en 1099, car l’archevêque Hugues y réunit un concile régional. Au XII° siècle Lyon est en litige entre le comte de Forez et l’archevêque ; le pape décide en 1173 que la ville et le comté reviennent à l’archevêque Jean de Bellesmains. Celui-ci commence à élever ou à compléter le château Pierre-Scize, que son successeur Renaud de Forez termine en 1208 : il semble en avoir fait sa résidence dès 1197 : c’est le signe de la puissance féodale de l’archevêque-comte.
Les bourgeois lyonnais aspirent à l’autonomie communale et se tournent vers le Roi de France qui s’intéresse à Lyon. En 1307 l’archevêque Louis de Villars fait allégeance au Roi, mais son successeur Pierre de Savoie refuse tout hommage au Roi. En 1310 Philippe IV le Bel envoie son fils aîné Louis le Hutin s’emparer de Lyon ; l’archevêque se réfugie au château Pierre-Scize et capitule quelques jours après en l’absence de réaction du comte de Savoie ou de l’Empereur. En 1312 il perd sa puissance comtale et la ville entre dans le royaume de France. L’archevêque accorde le consulat aux bourgeois de Lyon (1320).
Avec la 2ème moitié du XIV° siècle, la guerre de Cent-Ans est commencée et la ville se dote de remparts sur la colline de Fourvière ; cette ceinture fortifiée s’appuie au nord sur le château Pierre-Scize. Au XV° siècle, le roi Louis XI affronte la ligue du Bien-Public. Il fait appel à son allié le Duc de Milan, qui envoie à Lyon son fils Galeas Sforza avec des troupes : il s’empare du château Pierre-Scize (1465) qu’il conserve en gage. Il faut ensuite se débarrasser de ces encombrants milanais en les payant ! Trois ans plus tard, sur ordre du roi, le sénéchal de Lyon chasse le gouverneur du château, officier de l’archevêque et prend possession de Pierre-Scize. L’archevêque Charles de Bourbon réside désormais à l’archevêché (1468) où il fait construire un bâtiment gothique flamboyant aujourd’hui disparu et le château devient une prison.
Le premier prisonnier de marque est Jacques d’Armagnac rebelle contre Louis XI en 1476 : la ville doit fabriquer pour lui un « cage de fer » avant qu’il soit transféré à Paris et exécuté. En 1500 sous Louis XII ce sont le duc de Milan déchu Ludovic le More (mort à Loches en 1508) et son frère le cardinal Ascagno Sforza. Deux humanistes bénéficient de l’hébergement au château Corneille Agrippa (1523) et Guillaume Postel (1561).
Puis ce sont les guerres de religion : après la prise de Lyon par les protestants de la ville, le baron des Adrets venu en renfort prend le château après un court siège en 1562 ; il enferme à Pierre-Scize quelques catholiques dont Claude Fenoyl sergent de ville. En 1570/71 situation inversée c’est Fenoyl qui tient des Adrets derrière les murs. Entre temps le gouverneur de la prison fait arrêter et assassiner sur ordre deux capitaines qu’il avait invités à déjeuner ! Pendant les troubles de la Ligue en 1593, le duc de Nemours gouverneur de Lyon pour la Ligue y est enfermé, mais s’en évade.
En 1625 Louis XIII décide que Pierre-Scize est une propriété royale ; Cinq-Mars et de Thou y sont détenus avant leur exécution (1642). En 1670 le château accueille une compagnie de 50 hommes détachée du Régiment de Lyonnais et chargée de la garde des portes de la ville. En 1705 de Manville, gouverneur du château, est tué par un captif, aidé par des complices. Le marquis de Sade y fait un séjour en 1768.
En août 1789, comme à la Bastille à Paris, le gouverneur rend les clefs au peuple et libère les prisonniers du château : ce ne sont pas des notables et ils ne sont que trois… D’après le document ci-dessous, qui est une allégorie fantaisiste, le château était « l’effroi du citoyen« .
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Plus dramatique en 1792, une dizaine d’officiers du Royal-Pologne sont arrêtés et enfermés à Pierre-Scize : peu après, le 9 septembre la populace vient les en tirer pour les massacrer, un seul pourra s’échapper. Fin 1793 le château, symbole de l’Ancien Régime, fait partie des démolitions symboliques ordonnées après la prise de Lyon par l’armée conventionnelle (Siège de Lyon 1793).
Sous Louis-Philippe, Rohault de Fleury envisagera de reconstruire un fort sur son son emplacement, mais y renoncera.
Article de 2010 – Dernière modification 11/2015
Source : E. Cuaz – le Château Pierre-Scize et ses prisonniers – A.Rey, Lyon 1907. / Maquette : œuvre de Monsieur Maisonneuve.