Vauban visite les Alpes

Les DEUX VOYAGES DE VAUBAN dans les ALPES 1692-1700

Août-septembre 1692 guerre de la Ligue d’Augsburg : dans les Alpes le duc de Savoie Victor-Amédée II a envahi le Dauphiné et pris Guillestre, Embrun et Gap. Contenu par le général Catinat, l’ennemi est contraint de se retirer. Cet épisode a révélé des faiblesses dans la défense des frontières.

Vauban

VAUBAN EN MISSION DANS LES ALPES 1692-1693
Avant même que le Dauphiné soit complètement évacué, le roi Louis XIV ordonne à Vauban son commissaire général des fortifications, qui est lieutenant-général en poste à Namur, de se rendre en mission d’évaluation dans les Alpes. Dès le 25 septembre il est à Grenoble, où il juge les fortifications très faibles. Début octobre il est au Fort-Barraux, où il prescrit des améliorations. Il envoie ses comptes-rendus à Claude Le Pelletier intendant des finances en charge de la politique de fortifications. Il continue sur Embrun et visite Briançon, Exilles et Pignerol sur le versant italien.

Fort-Barraux

Très vite aiguillé par Catinat, Vauban préconise de créer une place forte sur une position élevée au confluent du Guil et de la Durance, à la jonction des 4 grandes vallées de Briançon, d’Embrun, de Guillestre et de Vars. Il propose le nom de Mont-Dauphin pour cette place forte, qui rendrait inutiles, écrit-il, les fortifications de Château-Queyras, Guillestre, Embrun et Gap.
Vauban se dirige ensuite sur Sisteron par Saint-Vincent et Seyne ; il ne visite pas Colmars, Guillaumes et Entrevaux à cause des intempéries. Après avoir ainsi parcouru les Alpes, Vauban qui va avoir 60 ans, arrive fatigué à Nice, alors possession française, le 31 décembre 1692 ; il y reste 6 semaines et rédige ses rapports pour Versailles.

Les places fortes des Alpes – la ligne de tirets marque la frontière de 1690 ; la ligne continue est la crête des Alpes frontière actuelle.

Pour la défense de la frontière, il milite pour l’établissement de « guichets intérieurs » à la crête des Alpes, plutôt que l’occupation traditionnelle de places fortes côté Piémont comme Pignerol, Casale, Exilles, Suse. Ces guichets ou verrous des vallées alpines sont du nord au sud Fort-Barraux et Grenoble sur l’Isère, Briançon et Mont-Dauphin sur la Durance, puis Tournoux et Saint-Vincent sur l’Ubaye, Seyne, Colmars sur le Verdon, Guillaumes et Entrevaux sur le haut-Var et enfin Villefranche et Nice. Il s’adapte au terrain, en renonçant si nécessaire au tracé bastionné habituel au profit de tours bastionnées couvertes.

Château-Queyras

D’UN VOYAGE À L’AUTRE
En 1693 les crédits pour les fortifications des Alpes se répartissent encore entre toutes les places fortes ; Vauban insiste pour que Mont-Dauphin y figure. Les travaux commenceront en 1693.
Dans un mémoire au roi de janvier 1694, il suggère pour favoriser la signature d’un traité de paix d’abandonner Casale, Suse et Pignerol sur le versant italien, places coûteuses et peu utiles. C’est ce qui sera retenu au traité de Turin en 1696 : Louis XIV abandonne ces places au duc de Savoie pour conclure une paix séparée avec lui.

Mont-Dauphin

Les travaux de Mont-Dauphin sont effectués à la belle saison. La place est établie sur une butte rocheuse, le plan de Vauban prévoit 3 bastions et 2 demi-lunes sur le front nord-est plus exposé. En 1700 les bastions nord-est sont presque achevés, les autres fronts sont amorcés. À l’intérieur de la place une caserne, l’arsenal, le magasin à poudre, le pavillon de l’horloge, celui de officiers et une vingtaine de maisons sont achevées. La construction de l’église commence en 1700 : elle ne sera jamais achevée.

Mont-Dauphin la porte de la citadelle

La TOURNÉE DANS LES ALPES DE 1700
En juillet 1700, après un mois de repos dans son château de Bazoches en Morvan, Vauban repart en tournée d’inspection dans les Alpes, voyage pénible pour lui (il a 67 ans). Du 26 au 30 il est à Grenoble, le 5 août au fort-Barraux. Ensuite il passe sur le versant italien une semaine à Oulx, un jour à Exilles, 7 à Fenestrelle puis il revient sur le versant français 12 jours à Briançon, 2 à Château-Queyras, 4 à Mont-Dauphin et enfin 9 jours à Embrun.

Le fort d’Exilles côté italien

Au mois d’octobre il est à à St-Vincent, Seyne et Colmars ; début novembre il est à Entrevaux et termine son voyage par Saint-Paul, Antibes, Toulon et Marseille.
À toutes les étapes, Vauban critique la manière dont les travaux ont été effectués depuis son passage, mais les travaux sont toujours limités par le manque de crédits. Mont-Dauphin lui paraît la seule bonne place. Il préconise l’établissement de grandes places fortes interdisant tout passage, elles-mêmes couvertes par des forts placés sur les points dominants.

Briançon : la collégiale, la citadelle et l’étagement des fortifications

À Briançon son projet est de grande ampleur : création d’une ville basse pour loger garnison et population et fortification des hauteurs pour protéger la citadelle. À savoir construction d’une redoute sur le sommet des Salettes, création d’un camp fortifié sur le plateau des Têtes relié à la ville par un pont sur la Durance. Il fait également construire une église collégiale située derrière le rempart de la citadelle.

Briançon : l’église de la citadelle dominant le fossé

La collégiale (1703-17) et le fort des Salettes (1709-12) seront construits selon ses plans. Le fort des Têtes et le pont (pont d’Asfeld) seront édifiés autour de 1730 par le maréchal d’Asfeld.

Briançon : le fort des Têtes

VERS UNE NOUVELLE GUERRE
Vauban séjourne 3 mois à Marseille, attendant les ordres de Versailles, car pendant son voyage, le roi d’Espagne Charles II est mort, en léguant son royaume au 2ème petit-fils de Louis XIV, qui devient Philippe V d’Espagne. Vauban y écrit un mémoire intitulé « Intérêt présent des États de la Chrétienté », ouvrage de géopolitique pour la concorde entre les nations… Mais le séisme politique ne manque pas de provoquer une nouvelle guerre ; la guerre de Succession d’Espagne durera jusqu’en 1714 et Vauban mort en 1707 n’en verra pas la fin…


Article de 2017dernière modification 09/2019
Sources : Yves Barde – Vauban ingénieur et homme de guerre – Armançon 2006 / Bernard Pujo – Vauban – Albin Michel 1991 / A.Doumenc -Mémorial de la terre de France, contribution à l’histoire de nos provinces – Arthaud 1943